il était une voix

On me dit « écris, écris ! », comme si j’en étais capable. J’ai peut-être beaucoup à dire, mais je n’ai rien à raconter. Je méconnais l’intrigue, et ne sais rien des personnages. J’ai la pensée photographique, le regard instantané, la parole portraitiste. Pas de longues fresques, que de simples croquis pleins de rimes désuètes. Qui me collent, que je déteste.

Chez moi les mots se suivent, aveugles, mais ne forment pas d’histoires.  Ce que je vois s’estompe aussitôt, je collectionne les images seules sans connection. La vue d’ensemble ? Je ne connais pas. Mes pensées se délitent tout comme de la gouttière perlent les gouttes de pluie. Ma pensée ne connaît pas la mer. Le sel, l’iode, c’est pour les autres. Je n’ai qu’une petite barque qui sur un petit lac forme de petits ronds. Pas de longs romans à l’horizon. Et bien souvent même, je ne perçois qu’une flaque, morne, brune, dans laquelle ma main plonge. J’y dessine une spirale, trouble, un poème fragile qui ne dure qu’une seconde.

Je ne suis pas écrivain, je ne suis qu’écriveur. Écripeur, écrilarve, écrimeurt. Il n’y a pas de héros. Pas de reine, pas de roi, mais des ombres comme moi, sombres et maladroites. « Écris, écris ! »  Je ne peux pas. Ou bien le texte sera court, trop court comme à chaque fois.  Il s’appelera « Il était une voix » ou « Le lyrisme me tuera ».



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