belgique

  On ne fuit jamais tout à fait. J’ai migré vers l’Espagne, croyant pouvoir muer sous le soleil ibérique. Me libérer de tout, renaître sous les traits d’un homme nouveau. Je me voulais sourire, farniente, légèreté. Pourtant, au réveil, je reste sensiblement le même. Le soleil ne m’atteint pas. De gris, je suis devenu gris foncé. Et mes pensées, le long de la mer, gardent le sceau de la mélancolie. Le ciel est juste plus haut, plus bleu, mais c’est mon corps que je vois étendu dans le sable. Belgique – pays, famille, hérédité – ce texte est pour toi.

  Belgique l’étrange. A la fois laide et ravissante. Belgique la plate, la grise, la bruyante. Belgique la collante. J’ai beau te fuir, tu me suis. Je transpire et c’est toi que je sens. Je parle plusieurs langues, mais c’est ton accent que j’entends. Belgique en moi, Belgique lâche-moi. Belgique je t’aime, mais je ne t’aime pas. Toi la mère, moi ton enfant. Toi le père, moi l’avorton. J’ai beau fuguer, je suis à toi. Je ne suis que la prolongation du même, car c’est ton sang qui coule dans mes veines.

  Le poids des origines me refuse le destin qui s’offre à moi. M’affranchir, renaître sans attaches, devenir celui que je voudrais tant. Un jour je te tuerai et je deviendrai grand. Je sais qu’au fond de moi réside le roi soleil. Je n’en peux plus de ton froid. Je rêve de dunes et de parfums d’encens. Je veux penser par moi-même, être le maitre de mes choix.

  Je coupe le cordon. Je ne reviendrai pas. Adieu Belgique, adieu parents. Demain je serai libre, orphelin, tout-puissant. Je serai nu et pur, je serai noir et fou, je serai une sculpture faite de mes propres mains. Je vais en Apatrie. Je m’y sentirai bien.

   Si seulement… Je sais que demain je me lèverai dans tes draps. Et que l’odeur sera rance. Car chez toi…c’est chez moi.




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