anhydron

Photo : Ulysse, 1982, Agnès Varda.

Il y a longtemps que l’eau s’est retirée. Si longtemps que peu connaissent encore son existence. Certains disent qu’elle était incolore, d’autres qu’elle avait la couleur de l’âme, car quiconque s’y mirait apercevait son image. Les galets y baignant étaient alors lisses et glissants, et il y avait des algues, oui, des poissons à la chair tendre, des remous, des reflets. Le mouvement y était simple et continu. Et les femmes naissaient dans le creux des vagues. 

 

C’est ce qu’on m’a dit. Je suis né après. Parmi les galets secs et brûlants, longtemps déjà après le dernier jour de pluie. Je n’ai connu de ma vie que le lait gris et gras de la vieille chèvre Mathilde rescapée d’antan. Il ne coule pas, il colle, et laisse sur la langue ce goût amer qu’il m’a bien fallu apprendre à aimer.

 

Je vis avec papa depuis que maman est partie avec la dernière marée. Il regarde l’horizon, à la recherche d’un peu d’eau. Moi je compte les galets. Il y en a tant. Je les empile, je les frotte, ça fait des petits tas.Hier j’en ai vu un énorme. Je l’ai dit à papa. Mais il n’écoute pas. Il regarde, il crie, il vomit. Ca fait des croûtes que le soleil jaunit. Malgré tout je suis heureux ici.  Je m’appelle Barnabé. J'ai six ans, presque six ans et demi.

 




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