partir

D’une colère flasque, ses gestes et ses cris ne pouvaient que couler sur le sol granuleux, et la flaque, immense à présent, formait une masse sombre et humide qui ne le reflétait même pas. Tristesse! Fût-il immonde et édenté, pas même un rictus ne semblait s’y dessiner.

C’est à ce moment qu’il se dit qu’il était temps de partir, et il mua son corps épuisé vers d’autres lendemains où s’enliser, encore. Peut-être ailleurs le béton serait-il plus gris,et la déréliction, confortable.

Il regarda sa valise, vide. Vide, vidée, crevassée. Un cadavre odeur de cuir.

Il s’appelait Raymond et c’était sa valise. « Une bonne valise, c’est pour la vie » lui avait dit sa mère. Il avait neuf ans ; trente-neuf aujourd’hui. Trente ans de pluie, combien de larmes sur le cuir. Il n’avait fait qu’errer, traînant sa carcasse sur les pavés humides, en quête d’un point de départ, d’un simple repère, pour pouvoir partir, enfin.

       Mais l’errance, l’eau, les saules. Et la valise se vide. Car voyagent seulement ceux qui savent… Lui ne savait qu’une chose : il s’appelait Raymond… et c’était sa valise, un cadavre odeur de cuir.




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