Ils étaient des milliers à me dire que j’assombrissais le paysage. Gris, tout le temps. Noir, souvent. Mes textes : manifestes pour pendus. Dépression en alphabet latin. 26 lettres au service du Malin. Ils hurlaient, me menaçaient : « Tu décolores ce que nous voyons coloré! Tu quittes le goût de ce qui nous fait saliver! Tu fais l’éloge du sombre et méprises la clarté ! ». Vrai? Faux? Que/qui suis-je? Ils ne savent pas. Suicidaire, misanthrope ? Handicapé, malpropre ? Oui. Non. Un peu. Pas totalement.
J’aime les gens. Mais l’envie va et vient avec le vent. Je ne les aime pas tout le temps. Et moi?
Tristesse, désolation? Pas seulement. Combien d’heures heureuses? Tant! Mais pressé de les vivre, de les écrire je n’ai pas le temps. J’ai vécu plus qu’à mon tour. J’ai ri à m’en décrocher la
glotte. J’ai parlé, parlé, souri, embrassé. Frémi, aimé. J’ai tant cueilli le jour que j’ai des yeux de carpe. J’ai bu le calice jusqu’à…, j’ai bu la coupe, le godet, au goulot, bu jusqu’à boire
la tasse. Mais le bonheur ne s’écrit pas. S’il peut se vivre, c’est déjà ça.
Tu comprends maintenant? Si je n’écris pas, c’est que je danse. Et si j’écris, laisse-moi! Car plus noirs sont mes textes, plus solides sont les pansements. Et des blessures, j’en ai
cent.