Le propre de la jeunesse n’est pas de se sentir jeune – cet état lui est d’ores et déjà naturel –, mais de se penser immortelle. La jeunesse est un nuage de candeur qui se consacre au plein exercice de la condition présente sans deviner la décrépitude qui la guette. Dire « je suis jeune », au contraire, c’est déjà sentir la jeunesse s’éloigner. L’on se dit « jeune » quand, encore fort de l’ivresse tout juste passée, l’on sent poindre peu à peu dans les jours à venir davantage de nostalgie que de promesses à tenir. « Je suis jeune » se surine-t-on alors, comme si le verbe avait quelconque effet sur le temps qui s’écoule. Se dire jeune, c’est déjà s’avouer devenir vieux.